CAMILLE REDOUBLE de Noémie Lvovsky
L’émotion nous submerge à la sortie de ce film habité par l’angoisse de la perte. Noémie Lvovsky commence par nous présenter son héroïne, Camille (jouée par la réalisatrice), comme une femme d’une quarantaine d’années, comédienne trimant pour accumuler les petits rôles et femme quittée par Eric (Samir Guesmi), son mari depuis plus de 20 ans.
Amputée de sa « moitié », elle tente d’oublier sa douleur et sa détresse dans l’alcool. Une grande amie de jeunesse l’invite alors à passer le réveillon de fin d’année chez elle. Elle y retrouve ses grandes copines de lycée, s’enivre et danse jusqu’à minuit. C’est alors qu’elle se débarrasse de son alliance, puis s’évanouit pour se réveiller dans les années 80, à l’âge de 16 ans.
Noémie Lvovsky a choisi de jouer elle-même son rôle de lycéenne. Et c’est Samir Guesmi qui joue son propre rôle jeune. Le spectateur se retrouve alors face à deux adultes rejouant leur adolescence avec leur physique actuel. C’est une idée pour le moins singulière, extravagante mais absolument réjouissante.
Camille va revivre cette période avec une nuance prééminente: elle connaît son avenir et a gardé sa conscience d’adulte, avec bien évidemment la maturité qui en découle. Nous saisissons dès lors toute la folie et les interrogations que ce déplacement temporel suscite. Est-il possible de changer les évènements du passé et d’altérer le futur ?
Camille doit-elle tenter de résister à Eric (le film se passe au moment de leur rencontre) ? Et même si elle le désire, est-elle en mesure de modifier l’essence même de sa nature intime ?
Quant à la mort d’un être cher, Camille pense-t-elle vraiment qu’elle peut la différer ?
Les retrouvailles de l’héroïne avec ses parents (joués par Yolande Moreau et Michel Vuillermoz) sont un moment attendrissant, bouleversant. Camille les embellit avec une sensibilité qui nous touche profondément ; elle s’offre le plaisir de profiter une dernière fois de sa maman dont elle sait qu’elle va très bientôt mourir d’une rupture d’anévrisme. La vision de Camille est clairvoyante. Elle prend un plaisir infini à revivre l’euphorie de sa jeunesse dans un film où la mélodie du bonheur juvénile nous emporte dans une reconstitution des années 80 qui rappellera à certains l’atmosphère de leurs plaisirs fantasques.
Noémie Lvovsky nous offre un film espiègle, sentimental, malicieux, drôle et romantique. L’amour, la force de l’amitié, la mort et le temps qui s’écoule sont des thèmes chers à la réalisatrice, qu’elle aborde avec beaucoup de sensibilité et de fantaisie.
Sortie de le Femis à la fin des années 80, Noémie Lvovsky est devenue scénariste, puis réalisatrice. Mais elle exerce aussi depuis 2001 le métier d’actrice avec un talent indéniable. Elle nous séduit sur tous les fronts et prouve une fois de plus qu’elle nous est indispensable.