Face au soleil. Un astre dans les arts
Vue du port havrais dans la brume de cette matinée du 13 novembre 1872. De la fenêtre de son hôtel Claude Monet peint un tableau qui restera emblématique dans l’Histoire de l’Art. Exposé en 1874, l’œuvre est à l’occasion baptisée « Impression soleil levant ». Le critique d’art Louis Leroy intitule alors son article « L’exposition des Impressionnistes ». Le terme restera et donnera son nom au célèbre mouvement artistique.
Le musée Marmottan a décidé de célébrer les 150 ans de ce tableau légendaire à travers une exposition qui sonde la représentation du soleil dans l’histoire des arts. Les deux commissaires Marianne Mathieu (du musée Marmottan) et Michael Philipp (du musée Barberini à Potsdam) ont sélectionné un florilège d’œuvres antérieures et ultérieures à « Impression soleil levant », pour créer un parcours à la fois chronologique et thématique de la perception de l’astre solaire dans la création et la vision artistique de l’Antiquité à nos jours.
Le soleil a animé les inspirations de nombreux artistes, chaque mouvement artistique proposant une vision personnelle de ce corps céleste si flamboyant, offrant une myriade de variations lumineuses. Une centaine d’œuvres sont exposées au regard de cinquante-trois illustres artistes, allant d’Albrecht Dürer à Pierre-Paul Rubens, de William Turner à Gustave Courbet, de Camille Pissaro à André Derain, d’Edvard Munch à Otto Dix, de Sonia Delaunay à Joan Miro …. Nous ne pouvons tous les citer. A travers une sélection de tableaux, de dessins, de photographies et d’instruments de mesure prêtés par l’observatoire de Paris, l’exposition nous éclaire sur les progrès scientifiques en matière d’astronomie afin de mettre en exergue l’impact qu’ils ont eu sur l’évolution picturale au niveau des ambiances climatiques et de la représentation du paysage. La symbolique de l’astre solaire se développe artistiquement suivant les perceptions religieuses et les recherches scientifiques. Dans l’Antiquité le soleil incarne la toute puissance d’une divinité à la beauté fascinante. Il influence les thèmes mythologiques et la notion de l’Astre Dieu, comme avec Apollon (dieu de la lumière solaire, appelé aussi Phoebos le brillant), Râ chez les égyptiens, etc… Il deviendra même l’emblème de Louis XIV, le Roi Soleil. Le souverain fondera d’ailleurs en 1667 l’Observatoire de Paris, haute instance des découvertes astronomiques en Europe. Le soleil apparaît alors comme un authentique sujet d’étude dont les scientifiques vont s’emparer. L’astronomie, la révolution copernicienne …. influencent le monde des arts. La peinture de paysage devient alors un genre incontournable, où la nature est dépeinte telle qu’on la voit, selon l’emplacement du soleil, qu’il se lève, domine le ciel ou se couche. Nous le percevons par exemple chez Rubens, Turner, Boudin et bien d’autres ; l’apogée de cette perception solaire s’incarnera dans « Impression soleil levant » de Claude Monet. Les néo-impressionnistes, eux, mettent ensuite en valeur des sensations esthétiques différentes, en ce sens qu’ils n’appliquent pas sur la toile ce qu’ils voient mais plutôt ce dont ils ont connaissance. Grâce au savoir scientifique sur la décomposition des teintes du spectre lumineux, des peintres comme Signac ou Seurat vont nous subjuguer par leurs représentations picturales audacieuses, par une libération de la couleur qui se tournera ensuite vers le fauvisme d’un Derain.
Nous continuons ainsi à déambuler au gré des mouvements picturaux, éblouis par la richesse de la pluralité des visions solaires. Du fauvisme nous abordons naturellement l’arrivée de l’expressionnisme, avec Munch ou Otto Dix. L’astre y prend de plus en plus possession de la toile. D’autres expérimentations se joignent alors à cette mouvance, plus abstraites, comme celles de Freundlich et Sonia Delaunay. Le disque solaire se révèle continuellement grâce au perfectionnement du matériel d’observation scientifique. L’astre solaire a de moins en moins de secrets pour l’homme. Et à partir des années 20, la théorie de la relativité générale d’Einstein nous fait prendre conscience que l’univers est en perpétuelle expansion. Le soleil n’est plus l’astre dominant. Il devient pour certains exempt de vanité puisqu’il n’est plus qu’une étoile parmi une multiplicité d’autres étoiles. Cette dilatation de l’espace est au centre des œuvres de Miro et Calder, relativisant l’héliocentrisme à travers les poétiques constellations ou les « stabiles ». Cependant l’image du soleil est préservée car l’astre est intrinsèquement vital. Il est la sève de notre existence ce qui le rend indispensable sur une terre où l’homme a conscience de ne pas se situer au centre de l’univers et d’en être qu’une poussière. Et c’est à partir de ce constat que Gérard Fromanger termine l’exposition avec son « Impression soleil levant 2019 ». L’artiste se base sur ces réflexions scientifiques pour « installer » son chevalet dans l’espace et proposer un point de vue inédit. Il explique d’ailleurs : « Le soleil levant, pour moi, c’est Youri Gagarine, Neil Armstrong, là-haut dans une station spatiale ou sur la lune. »
Le musée Marmottan nous invite ainsi à une exposition au rayonnement solaire inouï, qui met en valeur son éclat à travers l’évolution de la peinture de l’Antiquité à aujourd’hui. Une floraison d’œuvres d’art illumine ce parcours axé sur les multiples représentations esthétiques de cette fabuleuse étoile de la Voie Lactée, mises en résonance avec l’évolution des progrès scientifiques à travers le temps.
L’astre divin aura inspiré l’homme tout au long de son histoire. Il nous livre ici de somptueuses œuvres, témointes de son influence dans l’histoire des arts.
Du 21 septembre 2022 au 29 janvier 2023 au Musée Marmottan Du 25 février 2023 au 11 juin 2023 au Musée Barberini à Potsdam