FELIX FENEON Les temps nouveaux, de Seurat à Matisse
Le Musée de l’Orangerie met à l’honneur un acteur prédominant du paysage artistique moderne de la fin du 19ème siècle et du début du 20ème siècle : Félix Fénéon (1861 – 1944).
Cet homme engagé, ardant défenseur de la liberté, débuta sa carrière comme fonctionnaire au Ministère de la Guerre mais il fut avant tout un grand critique d’art et de littérature, un rédacteur, un éditeur et un galeriste incontournable. Il est indispensable de souligner que cet homme fut de surcroît un militant anarchiste. Félix Fénéon avait foi en des lendemains florissants et croyait fortement à la favorisation d’un idéal social.
L’exposition de l’Orangerie relate ces multiples engagements avec minutie, soulignant ainsi la posture avant-gardiste de ce personnage atypique, tant sur le plan esthétique, littéraire et pictural, que dans sa composante politique.
Félix Fénéon fut un collectionneur d’exception, de ceux qui participèrent à l’histoire de l’art moderne. Il possédait une clairvoyance sans failles quant à ses choix esthétiques, décisionnaire de ses acquisitions. Il commença par s’intéresser aux œuvres d’Edouard Manet puis s’évertua à investir dans tous les artistes novateurs de cette époque faste, jusqu’à posséder dans sa vieillesse des toiles de Max Ernst ou encore d’André Masson. Seul bémol bien original pour ce visionnaire : il n’appréciait guère Pablo Picasso.
Félix Fénéon aimait fréquenter les artistes, et c’est grâce à l’entretien de ces relations qu’il investissait directement auprès d’eux. Il leur achetait de cette manière de nombreux tableaux. Qui plus est, il faisait des acquisitions de certains jeunes peintres qu’il considérait comme moins talentueux, afin de les aider à subsister et continuer leur art. Il entretenait cependant des liens plus intimes avec les peintres néo-impressionnistes qui le passionnaient. Enthousiasmé par leurs recherches artistiques, il devint l’ami de Seurat, Cross et Signac. Il fut même le plus important collectionneur de Seurat, dont il détenait une vingtaine de peintures et une quarantaine de dessins. Son admiration pour lui demeurait profonde. Mais le critique et collectionneur était aussi émerveillé par l’art africain, qu’il qualifiait d’« arts lointains ». Il était sensoriellement et intellectuellement touché par ces objets et masques venus d’ailleurs, au-delà de nos frontières. Il contribua de sa plume à mettre en avant son engouement pour ces œuvres africaines. Et prêta maintes d’entre elles pour les faire découvrir.
En 1906, Félix Fénéon intègra le département art moderne d’une grande Galerie : celle de Bernheim-Jeune. Etant nommé directeur artistique, il mit en évidence lors d’expositions dans la Galerie un nombre extraordinaire de peintres talentueux qui furent vénérés par la suite : Seurat, Bonnard, Van Dongen, Matisse, Signac, Cézanne, Cross, ou encore le Douanier Rousseau, Modigliani, Vuillard, Dufy… La liste est incroyable mais n’oublions pas que ces artistes étaient à l’époque des avant-gardistes, ce qui souligne avec force le talent et l’intuition aiguë de Félix Fénéon et son goût pour la modernité. De son vivant, Félix Fénéon fut l’heureux propriétaire d’une collection d’environ 1500 œuvres, qui après sa mort fut éparpillée, totalement désassemblée. En sus de prêter régulièrement ses multiples acquisitions à diverses expositions artistiques, il confia de nombreuses œuvres à l’exposition anticoloniale mise en place par Thirion et Aragon au début des années 30. Quant à son amour pour la littérature, il le poussa jusqu’à éditer des écrivains maintenant illustres comme Rimbaud, Mallarmé, James Joyce, Gide…
Au niveau politique, rappelons que la fin du 19ème siècle n’était pas uniquement l’époque des développements sociaux et des avancées technologiques. La pauvreté, les disparités sociétales restaient inexorablement en discordance avec la population. C’est en cela que Félix Fénéon se déclarait anarchiste, comme d’autres intellectuels avant-gardistes, afin de contester ces failles dont il rêvait qu’elles disparaissent. Mais il luttait plutôt avec une appétence utopique. Et lorsque le mouvement anarchiste perdit de son panache, peu après la guerre, il flirta avec le communisme sans pour autant s’engager dans le parti.
Le mot d’ordre, le terme référent, qui se rapporte le mieux à Félix Fénéon reste avant tout l’engagement, qui fut pour lui une bataille contre l’ordre établi qu’il soit culturel, social ou politique. Le Musée de l’Orangerie nous relate avec attention, à l’aide de documents étoffés, sculptures et œuvres picturales chères à ce grand collectionneur, l’immense talent de critique d’art et de découvreur d’artistes que cet homme fut. Avec une modernité incroyable.
Musée de l’Orangerie
Du 16 octobre 2019 au 27 janvier 2020