Police D’Anne Fontaine

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« Police » raconte l’histoire de trois personnages qui se révèlent à un moment où ils doivent faire un choix délicat, face à une situation inédite pour eux. Ils sont tous les trois policiers dans un commissariat parisien, et sont quotidiennement confrontés aux aléas de ce métier psychologiquement difficile, faisant quelquefois face à des situations terribles, glauques.

Mais c’est lors d’une mission qui n’est normalement pas attribuée à leur service qu’ils vont devoir braver leur conscience. Virginie (Virginie Efira), Aristide (Omar Sy) et Erik (Grégory Gadebois) sont volontaires pour un travail de nuit dont ils ne soupçonnent pas la teneur : aller chercher en centre de rétention un réfugié tadjik (Payman Maadi) pour l’emmener à l’aéroport afin qu’il soit expulsé de France et renvoyé dans son pays. Pendant le trajet menant à l’aéroport, Virginie va s’interroger sur le devenir de ce migrant et ouvrir son dossier pour tenter de comprendre qui il est. Elle y découvrira qu’il risque de mourir s’il pose un pied au Tadjikistan et tentera alors de convaincre Erik et Aristide de laisser s’échapper le réfugié. Les dissentiments apparaitront alors. Les consciences s’animeront, la part d’humanité de chacun se révèlera face à l’obligation d’obéissance d’un métier où il faut avant tout obtempérer aux ordres.

Le film ne commence pas par ce transport nocturne critique. Anne Fontaine nous présente en premier lieu le quotidien de ses trois personnages lors d’une journée de travail, juste avant la soirée compliquée qu’ils vont devoir psychologiquement affronter. Mais ces moments de vie, elle va nous les révéler tour à tour avec les regards de chacun, comme des chapitres personnels et signifiants. La réalisatrice les construit avec finesse, en changeant d’infimes détails, nuances révélatrices de ces trois personnalités confrontées à un métier compliqué, tendu, qu’ils doivent s’approprier tout en jonglant avec leur vie privée parfois chaotique. Virginie paraît soucieuse et fatiguée. Elle tente de gérer comme elle le peut sa vie de famille et son métier de policière, mais vient d’apprendre qu’elle est enceinte de son collègue Aristide avec qui elle a une liaison extra-conjugale. Sa décision d’avorter est prise lorsque commence cette journée. Mais d’autres questionnements vont surgir lors de la nuit bien particulière qui s’ensuivra.

Dès ce « premier chapitre », nous percevons chez la réalisatrice ce désir de dévoiler la personne qui se cache derrière l’uniforme de policier, et cela pour ses trois personnages. Ce qui explique qu’elle nous montre ensuite cette même journée avec Aristide puis Erik. Nous découvrons ainsi la sensibilité et la fragilité d’Aristide derrière son apparente décontraction et la robustesse de son physique. De même la personnalité d’Erik nous touche lorsqu’Anne Fontaine le dévoile comme un homme replongeant doucement dans l’alcool pour chasser de son esprit le délitement de son couple.

Virginie Efira nous explique, dans « Madame Figaro » : « (…) ce que je trouve beau dans le film d’Anne Fontaine, c’est qu’il creuse la notion de porosité entre la fonction et l’intime. (…) Le film raconte qu’on ne peut pas faire l’économie de ce qu’on est. » Nous allons alors suivre ces trois personnes vers le centre de rétention où un quatrième personnage va bouleverser les consciences. Il s’agit d’un tadjik, du nom de Tohirov, qui ne comprend ni le français, ni l’anglais, et qui est terrifié de se retrouver dans cette voiture, en pleine nuit, avec des individus en uniforme qui vont l’accompagner vers une direction complètement angoissante. La communication est réduite à néant en raison de la langue, mais aussi de la peur paralysante ressentie par Tohirov.

C’est le chaos dans ce centre de rétention qui est en feu. Le premier regard que Virginie adresse à ce réfugié est primordial : nous y ressentons une attention particulière. Il n’y a pas d’indifférence. Le regard du tadjik, lui, est insondable. Mais c’est à cet instant du film que les choses vont être chamboulées. Les trois quarts d’heure suivants vont se dérouler dans un espace extrêmement restreint : une kangoo. Anne Fontaine raconte : « C’était étonnant de faire un film qui passe 45 minutes dans une voiture de police. C’est un lieu clos, qui permet d’avoir une dramaturgie absolument intense sur les visages, sur ce qui se passe derrière, qu’ils ne disent pas, et quel trouble envahit cette voiture petit à petit… c’était très intéressant de construire ça » (…) et de « sentir comment quelqu’un qui ouvre une porte de curiosité et de doute tout à fait légitime (…) arrive à contaminer les autres, chacun d’une manière différente. » (Interview dans « Bande à part »)

Une des difficultés de tourner dans une voiture revient à réfléchir sur qui le point va être fait, sur le choix de la netteté et du flou vis-à-vis d’un personnage, afin de créer une dialectique visuelle qui reflète les questionnements et incertitudes de chacun, et le déchirement moral qui en résulte. Ce huis clos nocturne révèle la fragilité des personnages, dans une forme de délicatesse intérieure en conflit avec l’obligation d’obéissance. En présence d’une réalité pénible, ils doivent faire face à une ligne d’acceptabilité, seuil plus ou moins tolérable suivant la vérité de chacun. La tension est palpable. Anne Fontaine a voulu tourner « Police » en Scope, ce qui a accru les difficultés de prises de vues dans la kangoo, ce format n’étant pas vraiment le plus aisé pour tourner dans une voiture. Cependant la réalisatrice n’a évidemment pas fait ce choix par hasard : « C’est un film en Scope donc le rapport entre le flou et le net est extrêmement utilisé de manière allégorique et de manière stylisée », dit-elle (Bande à part). Son directeur de la photographie, Yves Angelo, a donc travaillé en fonction des contraintes dues au format. Ils se sont tous deux questionnés sur la possibilité de tourner en extérieurs, avec une voiture travelling, mais cette idée a finalement laissé place au choix du studio. Du coup Yves Angelo raconte : « Cela impliquait l’utilisation d’un fond vert et de recréer totalement les lumières et leurs mouvements afin de donner l’illusion que la voiture était réellement en train de rouler dans les rues en pleine nuit. Un tel dispositif posait forcément un certain nombre de problèmes, notamment en termes de raccord puisque les effets de lumière ne pouvaient être d’un synchronisme absolu d’un plan à l’autre. » Quand au choix du format, le directeur de la photographie explique : « Nous tournions en Scope, donc des plans le plus souvent en 300 ou 400 mm, ce qui était assez bizarre pour les Gros Plans. D’autant que j’utilisais une caméra Red Monstro avec de très gros capteurs. Nous avons été obligés d’allonger les focales. Cela s’est révélé avantageux lorsque nous tournions des plans larges des quatre personnages. Généralement ces plans sont filmés avec de courts foyers, ce qui donne l’étrange impression que la voiture est énorme pour la personne se trouvant sur la plage arrière comparativement à celle ou ceux qui se trouvent à l’avant. Le gros capteur nous permettait de filmer des plans très larges en 50 mm sans avoir ce défaut de perspective inhérent aux courts foyers. » (Yves Angelo, CST, Commission Supérieure Technique de l’image et du son)

Nous nous rendons compte à quel point le tournage dans la voiture a posé de nombreuses questions et imposé moult contraintes à l’équipe technique et à la réalisatrice. Le long temps passé dans cet espace cloisonné relève d’un découpage passionnant, où chaque composition de plan révèle une dimension dramaturgique nécessaire aux questionnements de chacun des personnages. En surgissent de nombreuses réflexions sur « l’humanité de leur mission », comme en témoigne Anne Fontaine (Cineuropa). La réalisatrice parle de « Police » comme d’un « thriller émotionnel, mental. (…) Il y a une tension parce qu’on se demande si ces policiers vont désobéir, transgresser les règles. On vit à travers leur intimité, leurs difficultés amoureuses, leur vie affective. Le prisme est totalement personnalisé » (Europe 1).

« Police » nous plonge au cœur de ces trois âmes éreintées par leur quotidien éprouvant, en bousculant leurs préceptes et leurs convictions, afin qu’elles interrogent leur conscience lorsqu’une brèche lézarde les règles et les certitudes. Nous nous retrouvons alors face à nos propres questionnements en présence de ce tadjik angoissé, qui ne comprend pas ce qui se trame dans cette voiture qui roule en pleine nuit vers un avenir sans espoir.

Réalisation : Anne Fontaine – Scénario : Claire Barré et Anne Fontaine, d’après le roman de Hugo Boris – Photographie : Yves Angelo – Production : Philippe Carcassonne et Jean-Louis Livi – Distribution : Studiocanal

Date de sortie : 2 septembre 2020

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