Le Paris de la modernité (1905 – 1925) Du 14 novembre 2023 au 14 avril 2024

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Le Petit Palais présente une exposition foisonnante où vous pourrez déambuler à travers les arts, l’histoire, la technologie et l’industrie des années fastueuses 1905 – 1925, pour vous imprégner de cette époque en perpétuel mouvement, imbibée de créations et d’innovations révolutionnaires.

L’exposition se déroule de manière chronologique, mais aussi thématique, et cela en traversant trois périodes : la Belle Epoque (1905 – 1914), la Première Guerre Mondiale (1914 – 1918) et les Années Folles (1919 – 1925). Elle débute par le célèbre « Salon d’automne » de 1905 au Grand Palais, qui marque la naissance du fauvisme (Matisse, Vlaminck, Derain…) et le scandale que ces toiles provoquèrent. La couleur explosive et libérée des fauves inspira une profonde liberté qui choqua. Et c’est cet évènement que la Commissaire d’exposition a choisi pour débuter cette immense balade de création et découverte, pour l’achever en 1925 avec L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes.

La Grande Guerre tient de surcroît une place importante dans cette exposition, fait rare et passionnant qui permet de ressentir l’atmosphère terrifiante que cette guerre engendra dans ce Paris plongé dans le tumulte et l’effroi, et la manière dont les artistes réagirent.

Ainsi, le désir d’aborder de multiples domaines transparaît avec une curiosité débordante : s’entremêlent la peinture, la sculpture, le théâtre, la danse, la musique, la mode, la littérature, le cinéma, la photographie, les innovations mécaniques et techniques, les arts décoratifs. Il est étonnant de se plonger dans cette époque exubérante et faste, où Paris était une capitale cosmopolite, créative, ouverte et moderne. Plus de 400 pièces jonchent ce parcours que nous ne nous lassons pas de découvrir. Et c’est dans un quartier cher à cette période, Les Champs-Elysées, que le Petit Palais propose cette exposition. Car c’est ici que les nombreux Salons ouvraient leurs portes, qu’ils soient artistiques (comme le Salon d’automne) ou techniques et industriels (avec le développement des cycles, aéroplanes ou automobiles). C’est encore là que l’éclosion de nouvelles galeries d’art permirent à certains artistes d’obtenir des contrats. La mode, quant à elle, vit le célèbre couturier Paul Poiret s’y installer. Et le Théâtre des Champs-Elysées, de style Art Déco, y ouvrit ses portes en avril 1913. Les Ballets russes y furent alors mis à l’honneur avec l’androgyne Nijinsky dans « Le Sacre du Printemps ». Mais outre ce quartier central qui mit en valeur ces créations de génie, l’exposition distingue les fameuses Cités d’artistes où nombre d’inoubliables peintres, sculpteurs, écrivains ou poètes, partagèrent leur talent, leur esprit, leur liberté, leur ouverture et leur solidarité. Du côté de Montmartre d’abord, avec entre autres Le Bateau Lavoir, où Picasso et ses acolytes révolutionnèrent l’art, l’esthétisme, l’écriture … Au « Lapin Agile » aussi, ce célèbre cabaret où tous se retrouvaient. Montmartre vit passer Max Jacob, Marie Laurencin, Brancusi, Modigliani, Kees Van Dongen… tous ces avant-gardistes qui chamboulèrent ce début de siècle. Puis ils changèrent de quartier, pour s’installer à Montparnasse où beaucoup d’artistes étrangers se lièrent à eux. « La Cité Falguière » ou « La Ruche » grouillaient d’artistes cosmopolites, novateurs, où le partage et l’entraide faisaient loi, car nombre d’entre eux vivaient dans une grande précarité. Marie Vassilieff y créa aussi l’Académie Vassilieff où lettrés et artistes russes se croisaient. Montparnasse regorgea alors d’illustres personnages : Zadkine, Apollinaire, Chagall, Erik Satie, Fernand Léger, Blaise Cendrars, Diego Rivera…

Les premières salles de l’exposition, qui retracent la Belle Epoque de 1905 à 1914, mettent en exergue tous ces artistes, toutes disciplines comprises, la danse et la musique s’émancipant aussi des codes préétablis, ainsi que les Salons, centrés sur la création artistique mais aussi sur l’innovation technique. Un magnifique aéroplane de 1911, une voiture Peugeot type BP1 et une bicyclette pliable y ravissent le public.

Mais le 3 août 1914, c’est le choc : l’Allemagne déclare la guerre à la France. L’allégresse et l’exultation créative laissent place à l’engagement, au combat. Des artistes vont se porter volontaire pour aller sur le front (comme Blaise Cendrars ou Apollinaire) et se retrouver au milieu de l’effroi des tranchées, d’autres vont y être recrutés comme peintres aux armées, parcourant les zones de guerre pour y faire des croquis. Ce fut le cas des Nabis par exemple, avec Félix Valloton ou encore Pierre Bonnard… Il y eut aussi les réformés (comme Modigliani), et ceux qui quittèrent le territoire. L’exposition met en avant l’engagement de tous ces citoyens de la liberté. Même si la guerre a d’abord anéanti la ferveur des artistes, Paris va peu à peu reprendre de sa verve à travers une identité culturelle forte qui, dès la fin de l’année 1915, s’affirme de nouveau. Sans jamais oublier les tourments et l’épouvante de ce que vit le pays. Certaines expos glorifient l’enthousiasme patriotique, d’autres accusent l’ennemi allemand de ravager le patrimoine national, avec par exemple « L’exposition d’œuvres d’art mutilées ». Certains artistes blessés reviennent à Paris, comme Georges Braque, Blaise Cendrars ou encore Guillaume Apollinaire. Face à la désolation, la violence et la mort, un élan de vie rejaillit à travers l’art, et de nombreux artistes et intellectuels créent de nouveau au sein de la capitale bombardée. La solidarité est de mise, la débrouille nécessaire, et la vie culturelle reprend vigueur. L’opéra ouvre de nouveau ses portes, tout comme les théâtres. La créativité bat de nouveau son plein. En 1917, au Théâtre du Chatelet, le célèbre ballet « Parade », écrit par Jean Cocteau et composé par Erik Satie, surprend en incorporant des bruits de machine à écrire, de sirènes, de bouteilles. La chorégraphie est de Leonide Massine et la scénographie de Pablo Picasso. La même année, dans la galerie avant-gardiste Berthe Weill, Amedeo Modigliani présente des nus avec des poils qui feront scandale.

Le monde artistique fait donc parler de lui avec talent et fracas, ce qui crée bien évidemment un vaste contraste entre cette énergie créative et la réalité des tranchées.

Puis vient le troisième mouvement de l’exposition : l’allégresse de l’après-guerre. Un éclat de joie retentit sur Paris où toutes les libertés explosent, où les tabous tombent, où les excès en tout genre secouent cette société exaltée dont la légèreté, la bagatelle, la luxuriance et le tumultueux bouillonnement culturel sont les fers de lance. Le corps féminin se libère, soutenu par la mode. Les créations de Paul Poiret sont d’ailleurs bien présentes dans cette exposition. La musique jazzy fait fureur, la Revue nègre consacre le succès de la danseuse américaine Joséphine Baker (1925), les Ballets Suédois s’installent au Théâtre des Champs-Elysées (1920 à 25) où ils représentent une belle vitrine littéraire de cette époque inouïe (avec des livrets de Paul Claudel, Pirandello, F. Picabia, Cocteau…), sous la direction d’un chorégraphe novateur : Jean Börlin. Cette nouvelle manière de danser sera souvent incomprise, mais bouleversera la vision de l’art de la danse. Ces intenses bouleversements culturels, sociétaux et artistiques déterminent ces Années Folles où le besoin de vivre, à travers toutes formes de découvertes, d’excès et de liberté, témoigne d’un désir fulgurant de mettre derrière soi l’horreur de la Grande Guerre. Les mouvements surréaliste et dadaïste apporteront eux aussi de nouvelles formes d’expression, que ce soit à travers la peinture (Max Ernst, Dali), la poésie (André Breton, Aragon), la sculpture ou encore le cinéma (« Un chien andalou »). Ils suscitent la révolte, heurtent le bon sens et ainsi secouent l’ordre établi. Quant au cinéma, il séduit par sa recherche sur le mouvement et la vitesse. Sont aussi mis en exergue des romans qui percutent le monde littéraire, comme « Le diable au corps » de Raymond Radiguet ou « La garçonne » de Victor Margueritte. Et c’est la quintessence de l’« Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes » qui clôt ce long et palpitant chemin, célébration des arts décoratifs dans une exposition transversale où la capitale parisienne accueillit 21 nations (hormis les Etats-Unis et l’Allemagne). Cet évènement, dédié à la décoration et à l’architecture moderne, mit en valeur une pluralité de disciplines artistiques et industrielles.

 

La richesse et les bouleversements de ce premier quart de siècle nous tiennent en haleine tout au long de cette flânerie qui nous emporte dans sa démesure créative, humaine et sociétale. Paris et la modernité ne furent qu’un, et nous déambulons à travers sa mémoire avec un plaisir gourmand et rassasié.

 

Du 14 novembre 2023 au 14 avril 2024 au Petit Palais. 

 

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